Resort, talahid, Biliran, Philippines, travel planner, voyage en immersion

La première fois

Je suis né en Afrique, une enfance au Cambodge, Viet-Nam puis entre Abidjan et la France. Adulte j’ai continué de beaucoup voyager, je suis devenu architecte d’intérieur (projetsinterieur.fr) et j’ai rencontré Diana. Pour la première fois depuis mon enfance, j’apprenais un pays depuis l’intérieur. Vivre l’intimité d’un peuple, si différent, si humainement proche, pourvu d’une telle gentillesse m’a touché au creux de mon âme. J’ai toujours rêvé de servir de lien entre les univers qui composent notre humanité et ce projet devenu réalité me permet de le faire. C’est pourquoi nous avons créé chezmamang.

La route est longue et sinueuse, large parfois se rétrécissant au grès des éboulements de roche.

Depuis Naval il faudra 20mn de moto pour rejoindre Talahid, en arrivant, la maison de Thelma se trouve tout près du premier abri de bus sur la gauche. Il n’y a d’ailleurs pas de bus à Biliran, mais beaucoup d’arrêts de bus en revanche.
Comme tous les villages de Biliran et des Philippines probablement, beaucoup de maisons de petites surface, 40 ou 60 m2 faites de bois, de tôles et de linoléum ! Des rues sans réelles organisations apparentes au bord de l’eau et dans le village haut, sous les arbres, la maison de Mamang .

Le vent léger rafraîchit la maison, Thelma travaille sous le porche en zinc. Face à la mer, il fait doux. Elle porte comme à son habitude un pyjama en guise de pantalon, finalement très adapté à ce climat comme pantalon de jour. Les motifs du tissu ne semblent pas un sujet…
Le bruit de la machine à coudre cliquettent à un rythme presque régulier si ce n’est quelques ajustements durant lesquels le son de la télévision ressurgit. Des dessins animés en permanence, japonais, américains, philippins mais rien de chinois ou d’européens.

Il fait beau, le soleil brille, la mer est bleue, peu agitée malgré le vent léger. Prise entre la route et la mer, adossée à d’autres maisons, celle-ci ne dépareille pas. Alignée sur la rue, chacun cherche à récupérer un peu de vue et d’air.

Pas ou peu de terrain, mais beaucoup de plantes, bien ordonnées, la nature est là, disciplinée dans des pots de plastique récupérés, en Europe on aurait dit recyclé, ici c’est juste récupéré pour dépenser moins.
Quelques poteaux de bois légèrement dégrossis, des poutre rongées par quelques vermines, un toit de tôle partiellement doublé de feuilles de contreplaqué, des murs recouverts de tissus fleuris, sur le sol un lino craqué aux motifs de puzzle pour enfants.
La maison de Thelma n’a que deux pièces, dans celle du fond il n’y a pas de fenêtre mais on sent bien l’air circuler au travers du mur de planches mal jointes. C’est la chambre, le dressing, le lieu où les coussins en guise de matelas ne sont pas forcément rangés, un rideau bloque l’accès à cette seule pièce où l’on peut s’isoler.
Dans la pièce principale, l’entrée, la salle à manger et la seconde chambre sont des fonctions qui se plient, se rangent, se déplient au grès des activités de la journée.
La télévision trône, le réfrigérateur aussi, et le soir on sort les coussins qui formeront l’immense matelas où ceux de cette chambre dormiront.

Derrière en contrebas d’une grande marche, se trouve l’eau, avec tout ce qu’elle permet. La salle d’eau composée d’un robinet, de toilettes sans abattant et sans chasse. Une petite pièce carrée au sol de carrelage gris clair dont le principal ustensile est le seau. Il sert à chasser l’eau des toilettes, à nettoyer le sol et de réserve pour se laver. C’est la pièce la moins chargée, on y voit encore les murs.
De ci de là, quelques supports pour une multitude de savons, shampooings, démêlants, sous des formes variées mais souvent en dose unipersonnelle comme des échantillons dont l’Occident n’aurait pas voulu.

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Sofialoren et NelNel se préparant pour la nuit

La cuisine est le passage obligé pour aller à la salle d’eau, et le sol qu’il faut traverser est fait de béton mal dégrossis, brut, difficilement lavable et donc peu lavé, souvent sale.
L’évier d’un côté, alimenté par un tuyau de plastique municipal et son robinet minimaliste, de l’autre dans un renfoncement, les plaques de gaz, entouré d’un revêtement dont le noir qui le recouvre empêche d’en voir la nature. C’est là que Thelma prépare la cuisine pour tous les habitants de sa maisonnée.

Thelma vivait avec son mari, Jun (Junior), leur fils et leurs deux filles, heureuse. John-Ray est parti le premier pour étudier à Quezon, puis May-Flor pour vivre avec Jonathan en laissant un enfant chez Thelma issu d’une courte idylle a 16 ans. Toujours heureuse, la famille se réduit, restait deux enfants, Rose-Vi et Nel-Nel (fils de May-Flor).
Jun est mort d’un accident de moto alors qu’il accompagnait la mère de Thelma à Almeria. Mamang n’a pas survécu non plus à l’accident.

Rose s’est marié 6 mois plus tard, et n’habite la maison que sporadiquement quand son mari policier est basé trop loin. Mais les Philippins n’aiment pas le vide et il n’existe souvent pas de demi-mesure…

Ainsi la maison de Thelma abrite maintenant Michaël, neveu de 20 ans qui vivait chez Mamang ainsi qu’Hillary 6 ans, fille de Diana, SofiaLoren, 13 ans, petite nièce. Nel-Nel a gardé sa place rejoint par son cousin, Rudy jr 13 ans, que les parents très désargentés ne peuvent plus garder et enfin Diana, sœur de Thelma de presque 20 ans sa cadette et mère d’Hillary. Diana travaillait à Manille mais il a fallu un peu d’aide et c’est ainsi qu’elle est venue à la rescousse pour gérer cette famille passée de 4 à 3 puis 7 en quelques semaines quand ce n’est pas 8 les soirs où Rose est là.

Un balcon protégé du ciel permet à Thelma de coudre toute la journée dehors en regardant la mer. De pyjamas en rideaux, Thelma gagne sa vie à coudre pour les autres, quelques pesos qui permettent de compléter les aides envoyés par John-Ray.

Quand le soir vient l’école se vide et la maison se remplit. Il est 5h, la ribambelle de douche commence, dans 1h, tout le monde sera à table, et à 8h les dernières lumières s’éteindront.
D’ici là, le riz cuira, le corned-beef sera réchauffé puis la vaisselle faite, la salle-à-manger nettoyée et rangée pour laisser place au lit de coussins.

Demain est un autre jour, si semblable, qui commencera à 5h, sans réveil, avec le soleil.  A 7h15 les enfants partiront à l’école non loin qui débutera à 7h30 avec un balayage de la classe.

Thelma va coudre, Diana va ranger, laver, May Flor viendra prêter main forte pour le linge et Michaël attendra comme hier et demain allongé dans la chambre du fond, que quelqu’un veuille bien lui donner l’argent qui selon lui, lui permettra d’aller à Cebu pour trouver du travail.
Rose partira travailler, elle a trouvé un emploi de secrétaire médical à l’hôpital juste après son OJT, le travail ne manque pas pour ceux qui veulent, mais la volonté manque parfois.

Commence aussi le défilé des voisins qui sachant que le « Kano » est là, viendront voir du coin de l’œil tout en papotant avec Thelma, cet étranger penché toute la journée sur son ordinateur. Ne se levant que pour s’étirer, regarder le large, embrasser Diana ou aller faire des courses. Je fais office de bête curieuse.
Il faut dire qu’à 40 ans on est souvent grands-parents ici, et l’on enfile facilement les chaussons à carreaux de celui qui peut enfin prétendre être sage grâce à son âge.

C’est la saison des pluies, les jeux dehors sont rares et les 40 mètres carrés de chez Thelma sont le refuge de chacun, une petite maison bien remplie, de monde, de vie, d’objets mais surtout de fraternité et d’amour.

En une journée le monde de Thelma s’est écroulé, un accident, plus de mari, plus de mère, ce fut le vide, mais ici aux Philippines, le vide, ça n’existe pas.

Charles-Eric Guerrier

Thelma, May-Flore et Rose, Biliran, Philippines, travel planner, voyage en immersion
Thelma, May-Flor et Rose

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